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Passion Macron (réflexions sur le météore politique)
29 avril 2017

Lettres diverses pour élargir le champ de vision

Lettre à un jeune:

 

Salut Ben

 

"Justice for all" comme disait Metallica.

 

Tu liras plus bas, ce que Nicolas Bouzou dit de la justice; car il est indéniable que Metallica est excellent groupe de musique, mais pas le meilleur philosophe. Je connais ton côté "rebelle", j'ai été moi-même un rebelle de la société, je portais même à une époque l'idéal anarchiste. Ne confonds pas le costume avec l'homme. Tu sais bien que les métalleux font du théâtre (tu comprendras plus loin pourquoi je dis ça). J'ai été touché en lisant la revue sur le métal dans vos WC, un fan de métal dire que sa seule religion était l'amour, l'opposé de l'image de "diaboliques", d'"intégristes"; l'année dernière, je croisai un jeune qui portait le même témoignage de fraternité, de tolérance, d'amour dans un festival de métal. Il disait: "j'ai jamais vu plus grand coeur!" (quelque chose comme ça). Quand je parlais de costume, je veux dire que l'homme "décontracte" qu'est Jean-Luc Mélenchon par rapport à un Emmanuel Macron portant costume cravate est trompeur, qu'il est rempli de haine et porte la division face à l'union. Des hommes comme François Hollande ou Emmanuel Macron, quoi qu'on dise, incarnent la société ouverte qui permet la libre expression, alors que ce soit le FN ou le Frond de Gauche incarnent la société fermée, le totalitarisme, comme le terrorisme. Fini les festivals de métal! Regarde comment a traité Hitler les artistes soit disant "décadents", regarde comment sont opprimés les artistes "rebelles" de la Chine communiste. C'est cela que porte Jean-Luc Mélenchon avec lui. Etre anti-capitaliste c'est être résolument contre une société ouverte, qui n'est certes pas parfaite, mais qui peut être améliorée, qui est, comme la démocratie, qui en est son corollaire, le moins pire système pour ne pas dire le meilleur. Si tu veux être vraiment rebelle, sois-le intelligemment. Sois rebelle contre celui qui instaurerait ni plus ni moins qu'une dictature s'il était élu. Ne crois pas celui qui brosse un portrait accablant du monde, du capitalisme, ne voyant que le négatif, pour mieux asseoir ses idées et son pouvoir, qui donne des solutions simplistes, s'allie le peuple par démagogie et populisme. Ce qui est simple arrange le peuple, on préfère des idées simples à des idées compliquées, normal! mais hélas, le monde et surtout le monde d'aujourd'hui est terriblement compliqué.

 

 Du reste, tu es libre, tu peux choisir la rébellion face à l'image paternelle que je peux te renvoyer: il dit vert, je dis rouge; il dit rouge, je dis vert. La rébellion systématique est aussi infantile que la provocation gratuite. Emmanuel Macron a cité dans son discours à Bercy Bob Dylan comme une figure centrale de la libération des années soixante qui a été le début d'une libération de la femme entre autres. Bob Dylan a vécu à une époque où il y avait une ségrégation raciale encore! Il a évolué dans un système capitaliste, imparfait, avec son lot d'injustices, mais il a pu mener son combat grâce aussi à ce système tolérant, à cette société ouverte, et il y  a eu du progrès, même si il y a encore des injustices. Bob Dylan sous le régime nazi ou communiste, on lui aurait vite cloué le bec quand on y pense! Alors, si l'exemple de Bob Dylan ne te convainc pas, sois défenseur de Metallica et ne vote pas pour un homme qui est à l'opposé d'une société ouverte qui a laissé s'exprimer comme il l'a fait, lui et tant d'autres.

 

J'ai apprécié que tu acceptes de parler politique, j'ai même senti une demande de ta part. J'ai confiance en ton intelligence pour que tu fasses un choix intelligent. Je te comprends dans ton désir égalitaire, c'est cela que flatte Jean-Luc Mélenchon: que le peuple gagne autant que les puissants de ce monde, les "grands mâles dominants" comme il y en a aussi bien chez les grands singes (qui ne sont pas pour autant capitalistes), que chez les rats (non plus ! y a que les écureuils qui le sont...), seulement ce n'est pas possible. Le peuple ramasse les miettes, plus le gâteau à partager est gros, c'est à dire plus le pays est riche, plus les miettes sont grosses, donc le peuple y gagne aussi. Pour avoir un gros gâteau, il faut de la croissance, il faut du progrès. C'est peut-être dur à admettre, mais c'est la réalité. Mais il y a une autre réalité plus terrible encore, c'est par exemple la dictature du prolétariat: en théorie, tout les prolétaires instaureraient une société égalitaire. Seulement les grands mâles dominants qu'étaient Lénine ou Staline se sont appropriés les idées et ont instauré un système totalitaire. Une partie du peuple a été liée, une autre exterminée, désignée comme de la vermine... Au nom du "bien". Comme quoi les extrémistes portent des valeurs! Le Front National est à fond "Famille- patrie" par exemple. En 2000, j'ai acheté et fait dédicacé par Tzvetan Todorov un essai majeur du XXème siècle à mon avis: Mémoire du mal, tentation du bien. Il avait quitté un régime totalitaire et il savait de quoi il parlait et son analyse des deux totalitarismes qui nous guettent en France et qui ont fait tant de ravage au XXème siècle, à savoir le nazisme et le communisme (plus justement le léninisme et le stalinisme), est des plus pertinentes et éclairantes.

 

C'est pour cela qu'à l'étude du programme de Jean-luc Mélenchon (L'avenir en commun – d'ailleur le mot « commun » prend un sens particulier ici, et n'est pas innocent à mon sens), j'en ai conclu qu'il a vendu du rêve, un rêve qui virerait au cauchemar s'il était réalisé.

 

Nicolas Bouzou est une autre personne qui nous éclaire sur notre monde et ses enjeux, sans démagogie aucune, mais pédagogique combien! Je te cite comme promis un passage parlant de justice:

 

 

 

« Je ne peux pas proposer l'interdiction de la voiture sans chauffeur mais je peux proposer la la justice : protéger les individus et non les métiers.* Dans un monde bouleversé, la justice est le repère stable par excellence. Il est celui que rien de doit venir bousculer. C'est vrai des institutions comme de la notion. La justice est toujours importante. Elle est consubstantielle à la vie dès que l'on n'est plus seul. Mais dans cette période de tremblement que certains ressentent comme une angoisse, la moindre injustice est insupportable. La justice doit encadrer toutes les décisions prises dans le cadre de la cité.

 

 

 

*Emmanuel Macron n'a pas dit autre chose...

 

Cette justice n'est pas l'égalité, comme l'a montré John Rawls au début des années 1970 (Théorie de la justice, 1971) Répéter en boucle qu'on veut lutter contre les inégalités ne nous renseigne pas sur ce qui est juste. Découper l'ensemble des revenus et des patrimoines en parts égales peut même être profondément injuste. La question posée par Rawls était d'une grande ambition : concilier la justice, la liberté et l'intérêt collectif. Cette triade disqualifie l'esclavage, pourtant considéré par les anciens comme juste (Aristote est très clair sur ce point). Mais qu'est-ce que la justice ? Rawls estime que nos déterminations économiques, intellectuelles, familiales sont trop envahissantes pour pouvoir honnêtement répondre à cette question. Le riche estime que la justice consiste à laisser chacun profiter du fruit de son travail ou du travail de ses parents. Et pour le pauvre, la justice c'est l'égalisation des revenus. Comment dégager un principe de ces termes contradictoires ? L'idée géniale de Rawls est d'introduire un « voile d'ignorance » qui place les citoyens dans leur « position d'origine ». Ce voile est une expérience de pensée qui doit faire oublier aux citoyens leur position sociale, comme si nous avions dû nous prononcer sur les principes de la justice avant de connaître la trajectoire sociale que devait emprunter notre vie. Le « moi » est injuste. Le raisonnement sur la justice impose de s'en détacher quelques instants. Derrière ce voile d'ignorance parfaitement opaque, Rawls indique que trois principes seulement feraient l'objet d'un consensus : d'abord que la liberté de chacun s'étende jusqu'à ce qu'elle heurte la liberté des autres ; ensuite que les inégalités sociales permettent aux plus pauvres de s'enrichir ; enfin que chacun ait la possibilité de monter dans l'échelle sociale. L'État est donc légitime pour assurer l'égalité des chances* et l'ascenseur social. Rawls est libéral mais pas libertarien.

 

  • terme repris dans le programme d'Emmanuel Macron.

 

On a eu tendance à opposer un peu facilement John Rawls et Amartya Sen (L'Idée de la justice, 2009) le progressiste. C'est à mes yeux une erreur, en tout cas une exagération. Certes, leur méthode est différente puisque Rawls recherche les principes de la la justice alors que Sen, en relativiste, croit que la recherche de ces principes est vouée à l'échec. Il préfère repérer les injustices les plus notoires dont l'identification est généralement plus consensuelle. Les combattre sera l'oeuvrre de la justice. Surtout, l'immense apport de Sen a été de ne pas se limiter aux ressources monétaires des individus, mais d'étendre la notion de justice à la possibilité de les convertir en nouvelles libertés, ce qu'il appelle les « capabilités » (les « capacités à faire »). Pour Sen, mais en vérité Rawls est proche) , le marché est nécessaire puisque sans lui aucune liberté n'existe. Mais il est insuffisant car il ne garantit pas la possibilité de construire sa vie. Une personne handicapée peut gag,ner suffisamment d'argent pour acheter un appartement mais il n'existe pas de normes pour les handicapés, elle ne pourra pas l'habiter. La société est injuste à son égard. À l'inverse, la voiture sans chauffeur qui ne requiert pas de permis de conduire offre une «capabilité » de mobilité aux aveugles. Elle sert à ce titre la justice.

 

Cela ne consolera pas notre moniteur d'auto-école car, ce qui le scandalise, c'est l'injustice qu'il subit ou qu'il croit subir. La destruction créatrice n'est pas injuste en soi, mais l'abscence de soutien aux personnes fragiles peut l'être. Rawls et Sen nous disent l'essentiel : liberté, ascenseur social, capacité à rebâtir une vie professionnelle, voilà ce que la communauté doit proposer à notre moniteur d'auto-école, je veux dire moralement :

 

  • Une liberté d'entreprendre totale qui lui permette de transformer son entreprise ou d'en créer une autre. L'extraordinaire savoir accumulé par dix ou vingt ans de gestion d'entreprise peut être mis à profit dans bien des domaines.

  • Un système de formation permanente (les Anglo-Saxons utilisent l'expression lifelong learning). Notre moniteur d'auto-école a cotisé toute sa vie pour la formation professionnelle. Il est créditeur de la collectivité. Les meilleures formations doivent être mises à sa disposition pour transformer son entreprise ou se reconvertir vers le secteur dans lequel il pense pouvoir se reconvertir désormais.

  • Une aide financière à la reconversion. Après tout, Sen a raison. Il n'est pas illégitime de donner un peu plus à ceux qui ont un peu moins*, aux perdants de la destruction créatrice.

    * titre d'un chapitre de Révolution d'Emmanuel Macron, en enlevant seulement les « un peu ».

    Cela évacuerait les questions lancinantes et jamais réglées des rachats de licences de taxis et autres rentes que la technologie abat. C'est dans ce cadre philosophique que doit être posé le débat sur le « revenu universel »* . Cette politique proposée de longue date par les libéraux, consiste à verser à chaque citoyen un revenu inconditionnel en remplacement des dizaines, voire des centaines d'allocations, indemnisations et autres revenus de transfert que nos État-providence ont empilés depuis plusieurs décennies. Je vais vous dire la vérité : je n'ai jamais réussi à savoir si j'étais pour ou contre le revenu d'existence. À l'heure du grand tremblement provoqué par les NBIC, c'est un bon débat, c'est certain. »

    Emmanuel Macron a tranché dans Révolution:

    « Il existe une autre tentation, qui traverse la gauche comme la droite, et qui est celle du « revenu universel ». Il s'agirait de verser, à tous, sans conditions de ressources ni exigence aucune, un revenu permettant d'assurer la subsistance individuelle. Je vois bien en quoi l'idée peut être séduisante, mais je n'y adhère pas. Pour des raisons financières d'abord. Nous devrions choisir, d'une part entre un revenu universel faible, qui ne répondrait guère aux questions posées par une grande pauvreté, voire détériorerait la situation des plus précaires, et d'autre part, un revenu universel élevé, mais qui ne pourrait être obtenu qu'au prix d'une formidable pression fiscale sur les classes moyennes. Mais il y a une raison plus fondamentale encore. Je crois au travail, comme valeur, comme facteur d'émancipation, comme vecteur de mobilité sociale. Et je ne crois pas que certaines personnes ont, par définition, vocation à subsister en marge de la société, sans autres perspectives que de consommer le maigre revenu qu'on leur consent. 

    « En clair, je crois que nous devons solidarité, assistance et considération aux plus fragiles».

 

 

 

Ailleurs, Emmanuel Macron dit que c'est par le travail qu'on se construit en tant qu'individu, et j'ajouterai que la plupart des personnes (non autistes) ont besoin de travailler, sinon elles se feraient chier, déprimeraient... C'est la réalité, et les « normaux pensants » (qu'on appelle « moutons »  et il en faut) représentent la grande majorité, il faut le savoir. Une grande partie d'entre eux sont ouvriers.

 

Voilà pourquoi le projet de Benoit Hamon n'était ni réaliste, ni souhaitable.

 

 

 

La mondialisation est sauvage comme le dénoncent et Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, mais c'est insuffisant, car ils ne proposent aucune solution réaliste en échange, la seule étant celle que propose Emmanuel Macron dans ces paroles :

 

« Je veux que nous changions cette mondialisation sans nous en couper. »

 

le même qui dit : « Je protégerai toutes les familles au nom des familles. »

 

« Mon projet est un projet de mobilité sociale, de protection des plus fragiles. »

 

Mais il faut parallèlement libérer l'économie. Emmanuel Macron se veut à la fois le président des patrons et des ouvriers. Ce n'est pas incompatible ; c'est en accord avec le nouveau paradigme d'Emmanuel Macron : celui du dépassement des clivages, du rassemblement. Son « En même temps » traduit de plus une pensée complexe, celle de notre monde, et qui necessite que nous oeuvions et pour les patrons et pour les ouvriers.

 

Amicalement

 

Stéphane

Lettre à ma mère:

 

Chère maman,

 

Je me réjouis: "Dans une vidéo, le candidat arrivé en quatrième position au premier tour assure qu’il n’accordera pas son suffrage à Marine Le Pen, mais refuse de dire comment il va voter."

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2017/article/2017/04/29/jean-luc-melenchon-sort-du-silence-mais-ne-donne-pas-de-consigne-de-vote_5119846_4854003.html#tm7ppS6cLV9topZS.99

Cela veut dire que Jean-Luc Mélenchon ne votera pas blanc; il dit indirectement qu'il votera Macron, mais il ne voulait pas écorcher son nom (on le comprend!). Il a compris, d'une part qu'on ne pouvait prétendre être pour la démocratie et ne pas se prononcer (même de manière subtile) pour elle en ne votant pas pour le FN; d'autre part qu'un vote blanc profitait à l'un des deux candidats: sur un échantillon de onze électeurs, si 5 votent Macron, 5 votent le Pen, le onzième fait la différence si il vote pour l'un des deux... Par ailleurs, avant ces paroles de Jean-Luc Mélenchon, bon nombre des Insoumis ont décidé de façon autonome de voter Macron.

Du reste, je voulais te dire que je comprenais ta peine (pour ainsi dire de coeur) du fait que Jean-Luc Mélenchon ne sera pas président en 2017; le sera t-il en 2022? On verra. En tout cas, vu tout le temps et l'énergie que tu as mis pour cette cause, ta peine est d'autant plus compréhensible, mais je vois que tu as de la ressource, je craignais que tu ne t'en relèves pas. Je suis heureux de me tromper sur cela. Quel que soit ton camp, tu seras toujours une personne ressource pour les autres, donnant de l'énergie. Peut-être que ton exemple m'a décidé à m'engager, - bon pas pour le "bon" camp! Chaque candidat exprime, représente une partie des attentes et revendications des français et est le miroir de la France d'aujourd'hui. Chacun a le droit d'être représenté par un candidat. Ce qu'il faut, c'est rassembler, unir plus que diviser, telle est ma conviction.

Même si nos idées sont opposées, je t'admire grandement dans ton engagement politique. Pour ma part, à côté de mon propre engagement aux côtés d'En Marche! je travaille à affiner ma conscience politique à partir de ce que m'a transmis Jacques (qui est décédé il y a maintenant un an), replaçant le monde et ses débats dans toute sa complexité, et aussi, à un autre niveau (moins intellectuel, plus spirituel), de ce que m'a transmis depuis longtemps Hélène: une vision globale des choses plutôt que par le petit bout de la lorgnette, ce que je faisais beaucoup avant, et ça m'arrive parfois encore.

 Je crois que Jean-Luc Mélenchon est utile. Il amène le peuple à se poser des questions, à le faire plus citoyen, il pose des bons constats, tout comme Marx a on ne peut mieux analysé le capitalisme; là où selon moi (mais je me trompe peut-être), oui là où selon moi il pèche, c'est dans ses solutions. J'aimerais beaucoup échanger avec toi sur des idées par mail, car seul l'écrit me permet de répondre, car il me faut un long temps de digestion d'une donnée, d'une question, pour pouvoir répondre, et l'écrit est mon support, au moins là je suis posé et ne vais pas m'emporter verbalement. Si pour toi l'écriture est difficile, on essaiera oralement.

  Je voulais te dire que j'ai du zèle comme toi, c'est un peu dû à mon éducation... (et heureusement j'ai tiré profit du positif, car à côté du négatif, il y en a, et de poids!) mais je dois m'en méfier pour être j'espère davantage dans le coeur (car sans n'avoir jamais suivi Amma, je crois en l'Amour comme la plus grande force et comme pour elle c'est ma seule religion). Je te respecte, et je suis désolé si j'ai pu laisser penser du contraire. La politique éveille les passions, quand on est "partisan", en plus de ses idées, on aime notre candidat parce qu'il a des points commun avec nous en tant qu'homme (dans notre parcours, nos goûts, passions, caractères): moi, pour Macron, ce n'est pas le costard-cravate qui me rapproche de lui, quoi que j'en ai porté (certes de prix plus modeste!)  - non, c'est son amour de la littérature, de la philosophie, et puis il a fait du théâtre comme moi. Pour toi, il y a forcément quelque chose qui te plaît chez Jean-Luc Mélenchon en dehors de son programme, c'est peut-être entre autres son indéniable charisme, paraissant fort comme un rocher face aux vagues de la mer, inébranlable. La première page de Le choix de l'Insoumission est révélatrice à cet égard, je pense en lisant cette page magnifique, ma préférée du livre, à Victor Hugo, l'exilé face à la mer. Mais attention, aurais-je envie de dire à Jean-luc en lisant sa phrase "L'Atlantique, c'est la force, la brutalité, et l'immensité d'un horizon sans limite au regard" : "Attention, Jean-Luc, à ne pas trop imiter la mer dans sa brutalité , attention à des idées qui s'avéreraient sur le terrain provoquer un tsunami! c'est ce que je crains, et à toi de me démontrer le contraire! Car une chose est de rendre responsable le capitalisme de tous les maux (pensée qui demande réflexion...), une autre est de trouver un système plus acceptable et qui soit réaliste, j'insiste sur ce mot, c'est à dire qui soit en phase avec la réalité globale, avec le contexte global, en n'oubliant pas que nous sommes des enfants de la télé, et plus profondément des enfants du capitalisme, et personnellement, quels sont nos sujets de plainte pour ce qui concerne nos vies en propre, il me semble que ton patrimoine est relativement élevé, non? Cela me fait penser à cette enquête montrant que la plupart des français se disaient heureux au travail, par le travail, mais qu'ils se plaignaient, persuadés que ce n'était pas le cas des autres (du moins du  plus grand nombre) et cela en raison de l'image donnée par les médias... La perfection n'est pas de ce monde, Jean-Luc, comme elle n'est pas en l'homme, il est seulement perfectible, autrement dit améliorable. Mais attention de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain, de ne pas avoir la berlue, de ne pas chercher la petite bête (non dans le sens de ne se préoccuper que de détails insignifiants - ce que font beaucoup les médias, mais dans le sens de "s'efforcer de trouver un défaut quel qu'il soit pour pouvoir critiquer"), ou encore de vouloir le beurre et l'argent du beurre et la crémaillère avec, de faire croire que c'est possible. Il faut mettre de l'eau dans son vin, cher Jean-Luc!"

  Voilà ce que j'aurais envie de dire à Jean-Luc Mélenchon et bien d'autres choses. Et toi maman, qu'aurais-tu envie de dire personnellement à Emmanuel Macron? Je constate en tout cas que j'ai une avance sur toi, puisque tu n'as pas lu Révolution, alors que j'ai pris connaissance de Jean-Luc Mélenchon (l'homme et ses idées) à travers Le choix de l'insoumission que tu m'as prêté, et L'Avenir en commun. Je me suis nourri aussi de lectures de livres passionnants comme "L'innovation sauvera le monde - philosophie pour une planète pacifique, durable et prospère", (2016), de Nicolas Bouzou. On peut voir aussi des vidéos de lui sur You Tube. Cet économiste a écrit aussi On entend l'arbre tomber mais pas la forêt pousser, que j'ai lu en premier. C'est le livre qui m'a encore plus fait comprendre le monde d'aujourd'hui, et l'Histoire, après Révolution lu beaucoup plus tôt. En fait, pour comprendre le programme de Emmanuel Macron, il faut le lire ou l'écouter. Je suis en train de lire en ce moment aussi: Le capitalisme est-il moral? (2004) de André Comte- Sponville, philosophe. C'est encore très éclairant, je trouve, sur cette question épineuse.

 Dialoguons, maman. J'essaye de ne pas être trop emporté par la passion, malgré ma tendance au zèle comme toi (qui a du bon dans certaines situations) et de faire appel au maximum à la raison, sans quoi nos actions ne peuvent qu'être chaotiques, je crois. Le spontané, c'est bien, mais il faut de la réflexion, une réflexion profonde. Je  t'y invite, et au dialogue encore une fois.

Ton fils qui t'aime.

PS: j'aurais encore voulu dire à Jean-Luc Mélenchon:

"Enfin, attention de ne pas se tromper de cible par manque de voir large, de voir juste par les solutions à apporter à la souffrance du peuple! On le sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions (ce qui ne veut pas dire que toute bonne intention mène à l'enfer, loin de là), mais qu'on peut faire beaucoup de mal au nom du "Bien" (comme au nom de Dieu), l'histoire nous la montré à travers le léninisme et stalinisme (tentatives d'application du Communisme) qui ont fait autant de victimes que le nazisme par extermination d'une partie de la population stigmatisée, et moi je ne vois pour l'instant dans ton projet de L'Avenir en commun que l'avenir des Insoumis, la France des Insoumis qui donnera "tout le pouvoir au peuple" c'est à dire les Insoumis formant la nouvelle constitution et la nouvelle caste (ayant balayé l'ancienne)."

 

***

Lettre à un ami:

 

 

Salut mon ami.

J'ai mis toute mon énergie, jusqu'à me coucher une fois à deux heures du mat, pour ce long courrier écrit sur une semaine, je ne compte plus les heures. Peut-être que cela ne te fera pas changer de position, mais j'aurais au moins pu pousser ma réflexion, renforcer mes idées par la même occasion, et te la mettre à disposition face à tes petites provocations amicales qui demandaient réponses.

Avant de commencer, tu as peut-être vu ma dernière publication sur mon Mur Facebook. Suite à ce message concernant les autistes de la part d'Emmanuel Macron, je me suis enfin décidé pour adhérer à En Marche ! Et demain je vais à une marche « je vote Macron » à Angers. Suis-je tombé de haut ou reviens-je de loin ?

 

Je constate, et le déplore, que tu as été un homme de gauche modéré, mais tu t'es radicalisé, tu as été, à mon souvenir, un fervent progressiste (pour ne pas dire libéraliste ou capitaliste...), tu as été pour une société ouverte, maintenant, sans même le savoir peut-être, tu vas vers une société fermée. Rien n'est plus périlleux et dangereux. Cela a eu lieu à chaque grande «innovation techologique », à chaque grande mutation, à chaque « crise » : le désarrroi, la peur, la colère, l'inquiétude, ne profitent qu'aux extrêmes, qu'ils soient de droite ou de gauche, cette dernière paraissant sympathique et dont le danger est plus invisible en raison de sa haine farouche du fascisme (ce qui le fait paraître respectable).

Ton rejet d'entendre (qui ne demande aucune adhésion) le discours d'un homme de «Droite » (rien n'est moins sûr) et pire, parce qu'il est l'invité d'une émission de «Droite », montre combien hélas tu es fermé. Ce que tu confirmes, à mon avis, par ton intention de vote pour une société fermée, une France fermée et non ouverte. Le rejet pur et simple d'un des partis modérés est une aberration, surtout au regard de ce qu'a dit Tzvetan Todorov dans Mémoire du mal, tentation du bien (2000) par rapport à la « Droite » et à la « Gauche », qui est un peu long mais tellement pertinent, je te cite, pages 95 à 97:

 

« Il est vrai que fascisme et nazisme se perçoivent comme appartenant à la droite, alors que les communistes se réclament de la gauche : chacun des ces partis trouve effectivement des appuis dans les couches de population qui se reconnaissent traditionnellement dans ces deux grandes orientations. Mais il faut, ici aussi, interroger les faits que recouvrent les mots. Le contenu de l'opposition s'est transformé au cours des deux derniers siècles jusqu'à devenir parfois indiscernable. Faut-il dire que la gauche est du côté des pauvres et des exploités, alors que la droite convient aux riches et aux exploitateurs ? On aurait du mal à trouver une répartition aussi simple dans l'Europe du XXème siècle. D'abord parce que s'est constitué une classe moyenne, majoritaire dans de nombreux pays. Ensuite, parce que la droite recrute aussi parmi les pauvres : Hitler jouit du soutien populaire ; le Front National – pour prendre un exemple contemporain – avait pris, à un moment donné, la première place dans le vote ouvrier. Enfin, parce que les communistes au pouvoir sont à la fois dominateurs et « de gauche ».

On ne peut plus dire que la gauche défend la liberté des personnes alors que la droite est pour le maintien de l'ordre, de l'Etat fort et centralisé. En effet, ces termes, qui correspondent au combat des libéraux contre les ultras, de Constant contre Bonald, au lendemain de la Révolution française, ne nous conviennent plus. L'Etat est devenu non seulement le détenteur de la violence légitime, mais aussi une source de protection et de bienfaits pour les individus (un Etat-providence) ; il ne s'oppose plus à la liberté des individus, il la garantit. Quant aux individus, leur liberté peut devenir une source de menace pour les autres autour d'eux ; restreindre cette liberté devient à son tour une mesure « de gauche ». Enfin la gauche et la droite ne s'oppose plus comme l'autonomie à l'hétéronomie, comme agir au nom de la volonté générale du peuple ou au nom des traditions : tous les partis démocratiques se réclament aujourd'hui de la souveraineté du peuple et du suffrage universel, ils diffèrent seulement dans les doses de conservatisme et de réformisme*, lesquels dépendent souvent du fait que ces partis se trouvent au pouvoir ou dans l'opposition, plutôt que de considérations proprement programmatiques.

 

  • J'ajouterai cette note personnelle : conservatisme et réformisme sont tous deux nécessaires, il faut à la fois conserver ce qu'il y a à conserver et réformer ce qu'il y a a réformer. Je remarque que le jardinage relève d'une idée similaire, - qu'est-ce qu'on conserve, qu'est-ce qu'on ne conserve pas ? Qu'est-ce qu'on détruit, qu'est-ce qu'on créer ? on parle ainsi d'entretien et de création des espaces verts, la création nécessitant parfois une destruction comme dans l'entretien. Pour hasardeux ou insuffisant que soit mon illustration, les deux forces antinomiques de la politique ont lieu d'être, et le tout est de trouver un équilibre entre les deux, entre traditions et modernité. D'ailleurs, au fond, on vit à nouveau actuellement un combat entre les Anciens et les Modernes, qui a eu lieu plusieurs fois au cours de l'humanité.

 

Cela ne veut pas dire que l'opposition gauche-droite ait perdu tout sens, seulement que ce sens est relatif et changeant. Les oppositions entre réformismes et conservatisme, égalité et hiérarchie, liberté et autorité se maintiennent dans toutes les sociétés démocratiques, et il n'y a aucune raison pour qu'elles disparaissent, puisqu'elles restent compatibles avec les postulats de base de ces sociétés ; par ailleurs, chacun de ces termes correspond à une facette de la condition humaine et peut être érigé en idéal. Les principes d'autonomie individuelle et d'autonomie collective, de liberté et d'égalité peuvent eux-mêmes, on l'a vu, entrer en contradiction.

La gauche et la droite politiques, qui s'emparent successivement ou simultanément de ces oppositions, et d'autres semblables, ont donc de beaux jours devant elles : ce grand antagonisme continuera de structurer la vie politique à l'intérieur de chaque pays. Sa raison d'être n'est pas l'abîme idéologique qui séparerait les deux termes (il n'existe pas), mais la nécessité d'une alternance pour maintenir en vie le principe pluraliste – pour offrir à chaque citoyen un choix. Le consensus ne suffit pas en effet pour assurer une vie politique en démocratie. Il faut de plus qu'en son sein l'individu puisse choisir entre deux équilibres différents d'ingrédients démocratiques, et aussi entre deux groupes de personnes aux styles différents. Ce faisant, cet individu se conforme – sans le savoir – à une très vieille règle des sociétés humaines qui organise la rivalité en leur sein, en permettant ainsi de canaliser dans des structures communes les ambitions et les ressentiments personnels.

Cependant, si importante que soit l'opposition gauche-droite dans la vie politique intérieure d'une démocratie, elle apparaît à nos yeux comme subordonnée à une autre, qui a joué un rôle structurant dans l'histoire du continent européen au XXème siècle et dans les consciences individuelles. C'est justement celle du totalitarisme et de la démocratie, qui nous oblige à mettre d'un côté le bloc des extrêmes, qu'ils soient de gauche ou de droite, et de l'autre celui des régimes modérés, qui peuvent à leur tour être gouvernés par une gauche ou par une droite « parlementaires », comme nous disons dans ces cas. Cela n'empêche pas les deux extrêmes de s'attaquer l'un l'autre, verbalement et même physiquement (ils combattent pour la même place) ; ni les deux groupes modérés d'entretenir leur rivalité. Il n'y a donc pas grand intérêt à opposer le nazisme «de droite » au communisme « de gauche » : ils sont tous les deux, et cela est beaucoup plus important, « extrêmes », totalitaires et non démocratiques. En 1931 déjà, Sémion Franck, dans un essai intitulé « Au-delà de gauche et droite », voyait venir le moment où la ressemblance entre les « rouges » et les « noirs » justifierait leur inclusion dans une catégorie unique.* A la différence radicale, annoncée dans les programmes, ne correspond pas une différence aussi sensible dans la pratique. Elle est plus significative en revanche si nous adoptons une perspective généalogique et non structurelle : le communisme se veut un aboutissement des idées propagées par le christianisme*, le nazisme méprise cette tradition et se présente comme l'héritier de la pensée païenne, le premier se donne pour une victoire des anciens esclaves, le second des maîtres, et ainsi de suite. ».

* Cela me fait penser au dépassement des clivages...

**Cependant, ajouterai-je, aujourd'hui la situation a changé en ce sens qu'on ne trouvera guère plus chrétien que Marine le Pen et guère plus athée que Jean-Luc Mélenchon.

 

 

J'ajouterai à cette étude que c'est hélas assez courant de voir des personnes dire : j'ai toujours été un homme de gauche et je le resterai jusqu'au bout. Ou l'inverse. Cela me fait penser à ma grand-mère qui déclara « Je suis catholique des pieds jusqu'à la tête. » C'est une position confortable bien compréhensible qui mène à refuser d'entendre tout argument du camp adverse. On fait des guerres de chapelles, rien de plus. C'est pour cela que le dépassement du clivage droite-gauche, même si cette volonté n'est pas nouvelle..., me paraît plutôt positive. Et on voit que Macron a ratissé partout à gauche et à droite comme il l'avait dit, et ça marche ! On se foutait de lui pourtant, en lui disant que son projet pour la France ne marcherait jamais.

Ma mère qui est une « Insoumise » comme toi peut-être qui en tout cas est pour Mélenchon m'a dit que Mélenchon avait de plus en plus d'audience (et apparemment Macron de moins en moins). Cela paraît une bonne nouvelle, mais c'en est une très mauvaise puisque ceci ne révèle qu'une chose, et tu le comprendras mieux dans la suite de mes pages : la montée des extrémismes !

 

Laissons cela pour l'instant et parlons progrès.

 

« Tu confonds ou assimile le progrès technologique, le progrès social, le progrès tout court au capitalisme » me dis-tu.

Tu n'as aucun recul. Je crois que tu ne vois plus que par les yeux d'un anti-capitaliste, JL Mélenchon, et donc ta vision du capitalisme, du libéralisme est faussée, et tu vois donc Macron à travers tes lunettes « Mélenchonniennes ». Certes, tu peux dire pareil de moi : je ne verrais plus Mélenchon qu'à travers les lunettes de Macron ? Seulement, ce que dit Mélenchon a beau paraître brillant d'intelligence, cela ne tient pas la route quand on a une vue globale de l'humanité, de son histoire qui s'est construite par la volonté de l'Homme a amélioré son sort face à la Nature, donc grâce au progrès ; ce progrès a eu plusieurs étapes, avec elles des mutations à la clé. Progrès économique (lié au progrès technique et à l'innovation) et progrès social sont étroitement liés, ce qui fait comme résultante le progrès tout court. Méconnaître cela, méconnaître l'Histoire, c'est être complètement à côté de la plaque, mon ami. Tu ne te rends pas compte que nous sommes des enfants pourris-gâtés qui maugréont contre le Progrès alors que loin de nous dans le monde des pays (comme le Brésil où la criminalité est prospère par rapport à nos pays) le bénissent comme on l'a béni jusqu'à la fin du XIXème siècle. Ce rejet est dû à un mouvement anti-progressiste s'accroissant au cours du XXème siècle jusqu'à atteindre un pic avec les idées de décroissance d'un Jonas qui a implanté plus profondément la peur du progrès dans nos esprits. On vit une période de mutation, pleine de promesse, même si elle est difficile à vivre pour beaucoup. Les troubles profitent aux sectes et aux partis de la peur. Ça a toujours existé. Croire qu'on va régler nos problèmes en sortant de l'Europe, par exemple, ce que désirent à la fois Le Pen et Mélenchon (tous les deux devraient se marier à mon avis...), est d'une très grande naïveté, mais en plus un bien plus grand danger encouru que de prendre des mesures pour réformer l'Europe. Vois le documentaire Le Premier Homme : le groupe d'hommes-singes qui a préféré retourner auprès de leur arbre pour sa sécurité après qu'un de leurs membres fut dévoré par un lion dans la savane où ils s'étaient aventuré pour se procurer de la viande en abondance a vite disparu, le groupe qui a continué son aventure vers l'inconnu a donner naissance à l'Homo Sapiens. Tu vas me dire : pour notre malheur, puisque tu ne vois en le capitalisme que l'exploitation de l'homme par l'homme... Or, le monde n'est pas parfait, mais il fonctionne, me disais-tu en l'an 2000, et jamais il n'y a eu moins de pauvres, moins de guerres, moins d'épidémies, plus de santé, plus d'espérance de vie, plus de liberté que dans nos sociétés occidentales, et tout cela gagne du terrain, gagne le monde grâce à la mondialisation.

"Le libéralisme, c'est la liberté de remplir des papiers. Il y a maintenant des tas de gens qui perdent un temps fou à remplir des papiers." JLM – me cites-tu.

Constat qui est vrai, d'ailleurs Mélenchon est un champion pour faire des constats vrais, bien que n'extrayant du monde que les échantillons misérables et négatifs qui l'arrangent, qui servent ses intérêts et ceux prétendûment du peuple. Mais ce peuple qu'il plébiscite tant, qu'il lui fasse faire un référendum sur la peine de mort et se sont les combats d'Hugo, de Camus, de Badinter et bien d'autres en faveur de son abolition qui a fini par être obtenue qui est mise en danger. Comme quoi les élites formées en grande partie par des intellectuels ont du bon, tu ne crois pas ? L'abolition de la peine de mort gagne aussi du terrain, se mondialise, et la France qui en a été un grand exemple et moteur effacerait d'un coup de main du peuple cette grande avancée sociale ? Et celle-ci est née indirectement du capitalisme florissant.

Je vois combien Jean-Luc Mélenchon a rapetissé ton esprit au point que tu refuses de lire un livre instructif, pédagogique, d'une cohérence magistrale, quitte à ce que tu le critiques après lecture, mais tu préfères suivre aveuglément un homme et exclure de ton champ de vision tout ce qui serait apte à modifier ta vision du monde.

Tu crois que c'est une grande pensée que de dire "Le libéralisme, c'est la liberté de remplir des papiers. Il y a maintenant des tas de gens qui perdent un temps fou à remplir des papiers." Et quelles solutions nous donne t-il ? De mettre fin bien sûr à ce qui en est responsable, alors que le progrès – encore – fera que bientôt les machines plus perfectionnées, et pourquoi pas des robots, allègeront considérablement ce fardeau partagé par tous. Déjà ça a commencé : beaucoup de papiers ont été simplifiés, on peut les remplir par Internet quand avant il fallait se déplacer, et peut-être en voiture... De même que le travail des médecins a commencé à être remplacé par celui plus efficace des machines. De tout temps on a eu peur des avancées technologiques, il faut les dépasser, ces peurs, tu ne vas pas dire à ton enfant qui a peur du noir : c'est bien mon enfant, tu as raison, reste dans ta peur », tu l'amènes à les dépasser. Il faut avoir confiance en ce que tout le progrès que de toute façon on ne peut arrêter (et tous ceux qui ont essayé de l'arrêter n'on pas réussi, ou que pendant un temps très court) soit là pour un demain meilleur qu'aujourd'hui, même si il y a des tragédies parfois monumentales causées par le progrès, mais va t-on, par exemple, accuser plus l'invention de la bombe atomique (et par delà, l'inventeur de la scission atomique, l'inventeur de E = MC2) plus que celui qui a inventé le couteau ? Objectivement non, même si la bombe atomique peut détruire la planète. Le pouvoir suprême que confère cette arme a en même temps été une chance – mis à part les tragédies d'Hiroshima et Nagasaki, puisque ce pouvoir dépasse celui de l'Homme mais non sa volonté de vivre, son instinct de vie étant plus fort que son instinct de mort dirait Freud, il neutralise et ne devient plus qu'un objet de dissuasion autour duquel on met une sécurité que l'on veut absolue ; ce semeur de mort planétaire bien plus redoutable que ne le fut la peste qui a pourtant éradiqué un tiers de la population européenne à la fin du Moyen-Age et prémices de la Renaissance est paradoxalement un moteur de paix mondiale et ceux qui disent le contraire sont des prêcheurs de catastrophes, souvent les mêmes esprits fantasmatiques, victimes de leur inconscient et de celui collectif et nageant dans le délire de la théorie du complot.

L'homme a avancé par essais-erreurs-réussites depuis la nuit des temps, c'est vraiment trop facile de trouver le coupable de tous nos maux actuels en le capitalisme, en fait, il est devenu le bouc émissaire dû à notre ignorance, à la paresse d'esprit, préférant croire en un simplisme et populisme incarnés par des personnalités charismatiques, propres à nous protéger – enfin surtout de la connaissance : « l'ignorance ne s'apprend pas », comme disait le poète Gérard de Nerval), car c'est une protection illusoire que ces figures incarnent. Le capitalisme ? Il est devenu si naturel qu'on ne peut plus s'en passer, mais qu'on le maudit ou du moins dénigre en enfants pourris-gâtés croyant faussement que c'était mieux avant (Lis le pamphlet C'était mieux avant !, de Michel Serres).

Exploitation de l'homme par l'homme que ce capitalisme ? J'exploite mon potentiel humain, autrement dit le potentiel de moi, homme, par moi (toujours aussi homme au départ qu'à l'arrivée), donc je suis capitaliste naturellement, merci de me l'apprendre ; mon ami. Après, exploitation d'hommes par d'autres hommes ? Pas plus que l' exploitation de la Nature par l'homme depuis que l'homme est homme, et même quand il était encore singe, à moindre échelle. Le travail s'organise, et il y a toujours eu un employeur et un employé (avant c'était le seigneur et le serf, tu crois que c'était mieux?) Les moteurs sont plus riches, c'est normal. Une société humaine est hiérarchique comme chez les grands singes. Un homme riche chez les Masaïs, c'est celui qui a le plus de têtes de bétail. La richesse est facteur de reconnaissance sociale.

Après il doit y avoir une redistribution des richesses, c'est là que ça bloque aujourd'hui, mais on en prend conscience avec l'affaire Fillon, et on veut une moralisation politique, c'est plutôt positif. Mais il y en a combien de beaufs qui votent pour le FN, par exemple, et qui ne s'insurgent pas contre le salaire de leur star de foot ? Si demain tout ce peuple allait dans la rue manifester contre ces salaires disproportionnés, faramineux, indécents, plutôt que contre les mesures de patrons qui n'ont bien souvent pas le choix, ne crois-tu pas qu'ils verraient leur sort amélioré ? On est en droit de se poser la question sur l'indécence du salaire des stars qu'elles soient du sport ou de la culture. Pareil pour le dépassement d'honoraires dans la médecine. Bon, reparlons patrons. Pour embaucher, il faut des patrons (quand on est pas son propre patron). Tout le monde ne peut être patron, comme tout le monde ne peut être ingénieur, comme tout le monde n'est pas intellectuel (et je mets à égalité les manuels – je considère que tout le monde est égal, on a besoin des dons des uns et des autres que la nature a réparti assez ingénieusement, pour ne pas dire miraculeusement). Or il faut des « têtes pensantes » pour organiser la société. Ce sont toujours les intellectuels qui ont détenu le plus de pouvoir. Car s'il est vrai qu'une cathédrale nécessite des centaines d'ouvriers, voire des milliers, celle-ci a dûe être conçue, c'est le préalable, par un intellectuel.

Les patrons veulent un président pour les patrons. Les ouvriers veulent un président pour les ouvriers. Tout le monde n'en veut que pour sa pomme. C'est bien français. On est ronchon. Moi, si je ne voyais que mon intérêt pécunier, sans doute aurais-je vôté FN : ce qu'elle promet pour les handicapés en termes de revenus est plus avantageux encore que ce qui m'est donné actuellement. Je ne voterai pas pour Macron qui veut supprimer le diesel et donc me séparer de ma petite tuture que j'ai acheté pas cher ; il va me donner une aide, mais pour pouvoir acheter quoi ? Je ne sais pas, je préfère faire confiance et ne pas me laisser guider dans mes choix uniquement par mes intérêts personnels. Je t'avoue aussi que si je votais à la gueule du client, sans doute mon choix irait vers Marine qui a des yeux magnifiques propres à me faire chavirer, et cela d'autant plus si elle sourit ! Et tu l'as vu pleurer de rire : trop charmant !

Entre parenthèse, il y a aussi, il faut le reconnaître, des motifs « irrationnels » dans le choix d'un homme politique. C'est un phénomène normal. On est attiré par quelque chose qui nous ressemble. Il faut en être conscient. Et ne pas se laisser prendre au piège de nos projections (pas plus que celui des apparences). Moi, j'avoue que je suis identifié à Macron non par son costume (je suis aux antipodes) mais par son amour de la littérature et de la philosophie, et parce qu'il a fait du théâtre comme moi, pour me cantonner à cela. Mais si il avait eu des idées extrémistes, je ne voterais pas pour lui.

 

Je reviens au capitalisme dont tu fais le procès, mais autant faire le procès de l'homme d'être un homme !

Récapitulatif :

L'homo sapiens s'est répandu comme la poudre sur toute la terre, grâce à ses déplacements de nomade devant suivre le gibier, et ce même dans les pays froids, où vivait Néandertal, plus robuste, mais qui a péri non par génocide comme on l'a cru en 1999-2000, mais par une plus grande adaptation de l'homo sapiens, une plus grande inventivité héritée par ses ancêtres sur des milliers d'années, et même quelques millions au plus lointain. Les savoirs, grâce au langage et aux échanges se sont répandus également comme un feu de forêt. Voilà la situation de l'homme au paléolitique. Puis l'aspiration de l'homme à se sédentariser voit enfin le moyen de sa réalisation, par l'invention de l'agriculture et de l'élevage. Qui fait exploser la démographie humaine, puisque des agglomérations très vite se formeront étant donné qu'on peut produire non seulement pour sa famille, sa tribu, sa ville, mais pour d'autres que l'on ne connaît pas : le commerce naît, le moyen d'échange le plus facile, remplaçant la lourdeur néandertalalienne du troc voit le jour. Donc il te faut faire le procès à l'homme de s'être sédentarisé, d'avoir connu une démographie explosive, le premier « baby boom », d'avoir construit des villes, d'avoir fait commerce, etc. etc.

Exploitation de l'homme par l'homme ? On est passé d'une civilisation de l'esclavage à une civilisation du travail, même si le mot travail vient de tripalium, « instrument de torture », mais il faut peut-être ne jamais avoir connu le fouet et les conditions de travail, d'esclavage dans l'Egypte ancienne, par exemple, pour ne pas reconnaître que notre condition s'est globalement améliorée . Comme tous les individus ne sont pas égaux en nature, qu'il y a des intellectuels et des manuels, des entrepreneurs et des ouvriers, des dominants et des dominés, comme nous sommes des grands singes, comme il faut s'organiser pour être optimum, avoir une vie optimale dans une démographie très haute, il y a forcément des inégalités, mais la naissance de l'égalité de droit né de la Révolution a considérablement amélioré le sort global des humains à l'instar du Progrès technique, même si il reste de la misère, mais elle est moins grande que celle du XIXème siècle de Victor Hugo ou de Dickens. Sais-tu qu'on ne mourait pas comme aujourd'hui de cancer du poumon lié au tabac avant le XXème siècle ? Pourquoi ? Parce que cette maladie se déclare le plus souvent dans la cinquantaine. Sais-tu que pas loin de chez moi, il y a les mines bleues où les hommes travaillaient douze heures par jour, sans compter le temps pour descendre à pied à moins cent quarante mêtres pour remonter ensuite – total : deux heures ? Et que ces hommes souvent encore des enfants quand ils y entraient, ou du moins des ados, mourraient dans la trentaine par la schistose ? Et tu me parlais de confusion de ma part entre progrès technique et progrès social ? Excuse-moi, mais Jules Verne t'aurait ri au nez, lui enfant de la Révolution industrielle, et pourtant il a vu aussi les méfaits de l'industrialisation ; chantre du progrès il eut une inquiétude de plus en plus grande et fut souvent visionnaire, tant dans le positif que le négatif. Lis Les Cinq cent millions de la Begum : Herr Schultze est un Hitler anticipé (note Wikipédia). Dès son premier « Voyage extraordinaire, en 1863, j'ai été frappé par une curieuse description qui m'a évoqué la bombe atomique... Mais, revenons dans nos rails.

Après, comme je te disais, une société humaine est hiérarchisée comme une société de grands singes, certains ont plus de pouvoir que d'autres et concentrent plus de richesse, mais en principe, plus le gâteau est gros, plus le peuple bénéficie d'une part plus grosse une redistribution plus grande ; la croissance profite à tous, il ne sert à rien de jalouser les riches, il faut des riches pour enrichir un pays. En France on n'aime pas les riches. Résultat, les riches s'en vont ailleurs. Cela fait écho à l'histoire de la plus grosse entreprise d'horlogerie, qui aurait dû être implantée en France, logiquement, mais qui le fut en Suisse, parce que l'invention fut faite par un Français, mais qu'il était protestant, et on chassait les protestants de notre pays, donc des richesses ! Cela, je l'ai vu dans un documentaire passé il y a peu sur la délocalisation et qui faisait écho avec ce que je venais de lire dans le livre de Nicolas Bouzou que je t'ai conseillé de lire. Emmanuel Macron veut nous sortir d'une mondialisation sauvage, il mentirait si il disait qu'il veut nous sortir de la mondialisation, c'est à dire du monde, il nous tromperait si il disait que la solution est dans la sortie de l'Europe, ce qui nous rendrait aussi vulnérables fasse au grandes puissances montantes qu'un insecte sous un pied humain, ce qui diviserait le territoire européen et ferait renaître conflits et guerres civiles, au minimum il nous affaiblirait, notre sécurité serait de courte durée, Emmanuel Macron est réaliste et probe. Il s'est sans doute nourri de livres aussi riches que ceux de Nicolas Bouzou. Ce ne sont pas les produits d'un salopard, mais d'un homme se souciant pour l'avenir de nos enfants, étant lui-même père de famille. Macron aussi, même si ses enfants sont ceux de sa femme. Tous deux sont de grands humanistes, sont profondément humains, et je trouve petit et inacceptable, croyant encore en ton intelligence, que tu juges à l'emporte-pièce, et sans fondement autre que ta grande référence, et Nicolas Bouzou et Emmanuel Macron. Si le programme de Jean-Luc Mélenchon avait la pertinence d'un livre de Nicolas Bouzou, il pourrait être crédible, mais ce n'est pas le cas. Sa popularité, sa montée, il le doit à son charisme, au contexte de « crise » dont il profite, faisant affluer vers lui tous les déçus du systèmes, comme les sectes récupèrent tous les paumés, les hommes fragilisés. J'ai connu un témoin de Jéhovah qui avait étudié toute la philosophie sans avoir de réponse qu'il cherchait, il était dépressif, prêt à se suicider quand un Témoin de Jéhovah a frappé à sa porte. Oui, même momentanément les témoins de Jéhovah peuvent sauver, mais reprenant du poil de la bête il s'est senti très vite à l'étroit, lui qui à brousse-poil de la majorité des témoins de Jéhovah avait une grande culture générale, or que les témoins de Jéhovah n'ont qu'une culture biblique et watch-towerienne. Cet homme m'a aidé quand j'étais dépressif, assoiffé de lectures autres, il m'a conseillé de lire Regain de Giono. Tu devrais lire ce petit roman. Quand je pense que Jean-Luc Mélenchon a jugé d'immoral L'Homme qui plantait des arbres !...

J'ai compris que l'économie était le nerf de la politique, le nerf de l'histoire. Si tu ne connais pas l'histoire de l'économie humaine, tu ne peux pondres que des sophismes, Jean-Luc Mélenchon est un sophiste.

D'ailleurs je te renvoie à cette page de mon blog d'analyse de Jean-Luc Mélenchon

http://passionmacron.canalblog.com/archives/2017/02/20/34958620.html

 

, me faisant citer abondamment Tzvetan Todorov, grand essayiste exilé d'un pays totalitaire et qui a étudié brillamment les totalitarismes que sont le nazisme et le communisme dans Mémoire du mal, tentation du bien que je t'ai abondamment cité plus haut. Pour lui la démocratie et le libéralisme étaient les meilleurs systèmes, l'un politique, l'autre économique, et étroitement liés, ce qui ne l'empêchaot pas d'en être aussi un critique à ses heures. Ne pas oublier que le Front National et le Front de Gauche (représentatif du communisme) sont par rapport aux partis libéraux ce que Sparte était à Athènes, foyer commercial et culturel florissant grâce notamment à son cosmopolitisme issu de l'immigration (certes Mélenchon n'est pas contre l'immigration, au contraire). C'est ma conclusion après avoir lu Bouzou qui analyse très bien la Sparte fermée et l'Athènes ouverte. Belle parabole pour notre époque !

 

Au risque de me répéter un peu, je fais ce constat que tu as refusé de lire le livre de Bouzou sur la base de jugement hâtifs, tout extérieurs, tandis que je n'ai pas refusé de voir le film de Ken Loach que je devais voir sans dérogation, moi !, et or que je ne m'attendais guère à autre chose que ce que j'ai vu, qui fut émouvant, mais sans surprise sur le fond, et à peine plus sur la forme connaissant le réalisateur. Tu me dis Bouzou est ci, Bouzou est ça, tu ne vois pas plus loin que ton nez, c'est désolant, car je te promets que toi tu serais surpris – et agréablement – par sa lecture, grandi surtout, et je te conseillerai encore plus « L'innovation sauvera le monde – philosophie pour une planète pacifique, durable et prospère » (2016), car il est encore plus synthétique, parce qu'il embrasse encore plus dans une vision encore plus globale et transversale, parce qu'écrit après la vague d'attentats qu'on a connu sur notre territoire, parce qu'il est plus mature, parce qu'il remet en questions certains points de vue de On entend l'arbre tomber mais pas la forêt pousser, parce qu'il est plus émouvant, et enfin, si c'est un facteur de lecture pour toi, parce qu'il est plus court (200 pages contre 330...). etc. ETC. Je te mets au défi de lire ce petit livre, je l'ai pris à la bibliothèque, tu peux le trouver sinon en librairie pour la somme de moins de quinze euros, et moins sur Internet. Tu n'as cette fois plus aucune excuse et tu ne pourras pas dire que tu ne savais pas, car c'est maintenant qu'il faut avoir le courage d'ouvrir les yeux, de changer du moins momentanément, le temps d'une lecture, de lunettes. Lis L'Innovation sauvera le monde, d'abord, et tu me diras ensuite si il ne parle pas de progrès social.

La bête extrémiste se réveille, et cette bestiole-là , une fois levée, est difficile à dompter. Ils profitent de la période de mutation. La force de l'extrême droite et, secondairement de l'extrême gauche, c'est de proposer quelque chose à cette vaste partie de la population qui, pendant cette phase de mutation, fait les frais de ces immenses changements. Nous avons connu dans l'Histoire, de la tyrannie des Trente glorieuses au socialisme révolutionnaire en passant par le fondamentalisme chrétien, des épisodes de fermetures de nos sociétés, de libertés sacrifiées sur l'autel du rejet de la modernité.

Ces trois dernières phrases, je ne les ai pas mises entre guillemet pour ne pas te les faire rejeter d'emblée, elles sont pourtant de Nicolas Bouzou qui a du reste été une source immense dans tout mon roman.

J'ai paraphrasé quelques passages plus haut, et tu n'en es pas mort, tu as pu en tirer profit, je te citerai maintenant deux trois pages de L'Innovation sauvera le monde qui je suis sûr te parleront, d'abord dans ce sous-titre « L'apocalypse climatique ? Peut-être pas ! » :

« Nos pleurnicheurs voient des problèmes de tous côtés : l'épuisement de la croissance, la fin du travail, la méchanceté des Chinois et des Américains, l'espérance de vie qui pourrait baisser... Et surtout la grande peur qui nous unit : l'embrasement du climat. Attention, point de climato-scepticisme dans ces pages. Je ne suis pas climatologue, mais je sais lire une courbe et je fais confiance au consensus scientifique. Je fais mienne l'idée selon laquelle nous vivons une période de réchauffement climatique aux conséquences déjà catastrophiques, et je comprends que l'homme est responsable de ces graves difficultés. C'est dit sans ambiguïté et ce que j'écris, je le vis. Je n'ai jamais croisé aucun ménestrel de la décroissance qui ait adopté un mode de vie plus écologique que le mien, et dans une grande métropole : l'élevage de poules, coq qui réveille les voisins au lever du soleil, compostage de déchets, courses à trottinette... Je mérite amplement un diplôme de bobo-attitude. Et bien entendu je roule dans une voiture électrique bourrée de la technologie pensée par des ingénieurs géniaux. L'inverse de la décroissance. »

Je saute trois pages pourtant passionnantes et vient à ce qu'on peut considérer la conclusion de ce chapitre 3 :

« Placer les politiques publiques et l'ordre techno-économique au service du développement durable exige de nous débarrasser des lubies de la décroissance, impasse pratique (qui l'accepterait?) et anthropologique puisque Homo Sapiens œuvre toujours pour améliorer sa condition matérielle. Homo Sapiens ne veut pas nécessairement produire et consommer plus, mais, à tout le moins, produire et consommer mieux. Il faut accepter l'idée que c'est l'innovation pour produire mieux, l'innovation pour consommer moins d'énergie, mais l'innovation de toute façon qui nous aidera à résoudre nos problèmes écologiques. L'humanité doit accepter, dans la lignée de Pic de la Mirandole, de Rousseau et de Sartre, sa place à part dans la nature. Son existence précède son essence car l'homme dispose d'une grande liberté vis à vis de son instinct, ce qui n'est sans doute pas le cas du coq qui viole toutes mes poules plusieurs fois par jour. N'importe lequel de ses congénères procéderait de la même manière cavalière, aujourd'hui, après hier et avant demain. Les notions d'éducation, d'histoire et de progrès n'existent que pour les civilisations humaines. Non à la souffrance animale inutile ! Les images qui sortent de certains de nos abattoirs sont insupportables, elles traduisent des comportements humains absolument innomables. Descartes à tort : les animaux ne sont pas des machines. Mais les tenants de la deep ecology se fourvoient : ils ne sont pas l'équivalent moral des humains. On peut être prêt à mourir pour sa femme et ses enfants, pas pour son chat. Les animaux sont mes frères inférieurs, écrit Michelet. En deux mots, tout est dit. J'aime la nature, je lutterai de toutes mes forces pour le bien-être animal, mais je ne suis pas un animal.

 

« L'innovation qui guérit.

L'innovation qui décongestionne les villes.

L'innovation qui permet aux jeunes de se déplacer.

L'innovation qui dépollue.

L'innovation qui diffuse la musique.

L'innovation qui fait voir aux aveugles.

L'innovation qui ralentit le vieillissement.

Elle détruit des emplois mais peut en créer beaucoup plus, si nos économies s'adaptent.

Elle détruit des rentes mais il n'a jamais été plus facile d'être entrepreneur.

Elle a abîmé l'environnement, mais avec elle nous allons le réparer. C'est le temps du triomphe de l'écologie de la croissance.

Le VRAI problème n'est pas là. Le vrai problème réside dans le risque de conflit. Dans le nationalisme. Dans l'extrémisme. Dans le terrorisme.

Tout ira donc bien mais tout ne va pas encore bien. La destruction créatrice va réparer, mais pour l'heure elle déchire le monde. Elle s'abat sur lui et lui confère son unité. Pendant l'hiver 2016 où j'enchaînais les voyages, je me laissais griser par l'exotisme de la presse étrangère qui évoquait le sort des Inuits emprisonnés ici, la possible interdiction de la chasse au renard là. Mais partout, à Genève, Montréal, Manchester, Casablanca, la presse titrait sur le conflit entre Uber et les taxis. Dans quelques années, peut-être les chirurgiens casseront-ils les robots qui veulent les remplacer et les moniteurs d'auto-écoles briseront-ils les pare-brise des voitures sans chauffeur. Voilà qui est tragique car nous voulons la fin des accidents routiers, la vie plus longue et en meilleure santé ! Le conflit des taxis illustre en modèle réduit la promesse et le danger de notre époque, un danger bien plus pressant quand souffle le vent de l'innovation que lors des mers calmes. La promesse est celle d'une économie plus moderne et plus dynamique. Le danger est celui d'un conflit qui irait de violences en violences jusqu'à faire plonger nos sociétés dans les affres du nationalisme, de l'extrémisme et du fondamentalisme. Dans ce moment critique, nous devons être attentifs au fil qui relie le passé à l'avenir. Non, les modernes ne doivent pas tout détruire. Car si tout s'écroule, nous allons mourir !

 

« Nous disposons des technologies pour résoudre les grands problèmes sanitaires, sociaux, environnementaux qui se dressent devant l'humanité. L'innovation sauvera t-elle le monde une fois de plus ? Le problème est moins économique que philosophique. »

 

Allez, voici deux derniers passages, page 112 et 195 :

 

« L'alliance du nationalisme de droite avec l'extrême gauche (qui s'est rebaptisée gauche radicale) est un grand danger pour les sociétés ouvertes. Ces deux branches à priori éloignées naissent de la même racine : le catastrophisme et la volonté de s'extraire de la société libérale. C'est la raison pour laquelle leurs programmes économiques sont proches. ».

« Face à la mutation dans laquelle nous sommes entrés il y a une quinzaine d'années et qui va durer encore aussi longtemps, nous tremblons d'effrois mal placés. Nous craignons la fin du travail. Mais la mutation en cours peut être formidablement stimulante pour l'économie et libérer le travail pour une prospérité mieux partagée. Ce n'est qu'une question d'adaptation de nos politiques économiques qui doivent favoriser l'épargne risquée, l'innovation, la flexibilité et la formation. Tous les pays que j'ai visités ces dernières années en sont capables, quand ils n'ont pas déjà mis en œuvre ces politiques. Nous nous alarmons face au réchauffement climatique. A juste titre, mais nous sous-estimons notre capacité collective à protéger la planète et les écosystèmes. Le transhumanisme nous épouvante alors que nous luttons depuis des dizaines de milliers d'années pour vivre mieux, plus longtemps et plus intensément. Nous avons la phobie des solutions, mais nous ne voyons pas le vrai risque, celui d'une société déchirée entre les anciens et les modernes, celui d'une ultramondialisation désincarnée, sans but, qui fera vomir une partie de la population. Déjà nous discernons les prémices de ce rejet de la société ouverte avec la montée du nationalisme, de l'extrémisme et du terrorisme. Mais ces monstres sont sur le point de prospérer bien plus rapidement et de condamner notre art de vivre. A long terme, la société ouverte gagne toujours mais, en attendant, combien de drames ? Combien de violence ? Combien de pauvreté ? Avons-nous vraiment besoin de ces maux ? »

 

Pour y relever le défi et « pour tenir la barbarie à distance », Nicolas Bouzou préconise de méditer sur les vertus cardinales vieilles de 2500 ans : le courage, la justice, la prudence, la tempérance. Il fait un développement pour chacun d'eux. 

Je te cite la tempérance (eh oui, encore une citation de ce « gros con », qui se révèle encore une fois si humain:)

« La tempérance est l'une des grandes questions de ma vie parce que le goût du plaisir ne me laisse pas en paix. J'aime le vin, les voyages et les jolies filles. Il s'en faudrait de peu pour que je sois alcoolique, toujours parti et infidèle. Et en même temps, je sais que le plaisir disparaît avec l'absence de contrôle de soi. Cette vertu, elle m'obsède, surtout quand, tout juste rentré dans un restaurant de Lisbonne, je commande une carafe de vin vert pétillant. La tempérance commande d'en laisser. Tant pis. La tristesse immédiate est payée du bonheur de l'estime de soi, laquelle serait impossible si je me laissais aller à mes instincts. Et surtout, ne confondez pas la tempérance et la santé. Une vertu ne se met pas au service de l'hygiénisme. Ce serait d'une tristesse ! Elle vaut pour elle-même.

Comment se comporter face à une vague d'innovation qui s'abat sur nous ? Paniquer et se sauver en courant ? Plonger tête baissée dans la vague en hurlant ; « Vive le posthumanisme ! » ? Le premier comportement relève de la poltonnerie. Qui le revendiquerait ? Le second caractérise les têtes brûlées. Mais la témérité n'est pas une vertu, à la différence du courage. La tempérance est une attitude d'humilité à l'égard de la conduite de la politique. C'est le chef d'entreprise qui s'appuie sur une culture et une équipe pour transformer une organisation et mieux servir un projet collectif. C'est le dirigenat politique qui regarde l'avenir avec confiance, formule le but commun de la nation et opère les changements à effectuer avec raison mais sans passion. Il y a dans la tempérance l'amour du travail bien fait et réalisé en profondeur. La passion est nécessair dans le domaine des arts, de l'amitié ou de la famille, mais c'est un poison dans le domaine social. Et là je cite Popper car il est difficile d'être plus clair et profond :

«Le rationnalisme se rattache étroitement à l'exigence d'une ingénierie sociale pratiquant la méthode du coup par coup appliquée à la rationnalisation de la société, à une véritable planification contrôlée par la raison et opposant au pseudo-rationnalisme platonicien un rationnalisme socratique conscient de ses limites. »

Platon est génial mais Popper s'en méfie car il voit en lui le premier penseur du totalitarisme comme retour à un âge d'or (revenir à l'idée originelle, forcément plus belle que la réalité, version dégradée de l'idée). À l'inverse, dans cette citation, Popper nous donne le mode d'emploi de la politique publique dans les sociétés ouvertes : réfléchir, faire, évaluer, retirer ou généraliser. La tempérance n'empêche pas le discours politique élevé. Mais elle en est l'indispensable complément.

La raison ne s'accommode que de la démocratie au sens large : la liberté de penser, d'exercer son esprit critique, de choisir à loisir ses dirigeants. Au contraire, la raison sans discernement (« j'ai raison », terrible expression – tiens je réalise que je l'emploie dix fois par jour) vire au totalitarisme. C'est l'opposé de la tempérance. Contre Platon, Socrate nous donne l'antidote : la raison doit nous faire prendre conscience de nos limites. En ce sens elle doit éviter d'être totalisante. Seule la tempérance est raisonnable puisque la raison empiriste comme la conçoit Popper nous oblige à penser qu'on ne peut être sûr de rien, ce qui disqualifie par principe les extrêmes. Ainsi, le citoyen « raisonnable » doit s'abstenir, par principe, de voter à l'extrême ceci ou à l'extrême cela. Le bon dirigeant, politique ou d'entreprise, doit avancer en sachant que, dans ces temps de destruction créative, il a l'obligation du courage, mais le droit à l'erreur.

Tu es moniteur d'auto-école et tu es rouge de colère parce que le monde, ça ne va pas. Google menace de faire disparaître ton métier. Le gouvernement est incapable. Les immigrés affluent comme si nous n'avions pas déjà nos soucis. L'Europe n'apporte aucune solution. Les syndicats bloquent tout. Oh, tu n'as pas tort. Les gouvernements souvent, ne sont pas à la hauteur. L'Europe est devenue une triste bureaucratie et les syndicats sont ultraconservateurs. L'indignation, la colère et la peur sont des passions qu'on a bien le droit de ressentir, mais Marine Le Pen sera parfaitement inefficace pour contrer la Google Car. En revanche, elle sera parfaitement efficace pour briser l'acquis européen (il y en a un), limiter les opportunités économiques (le protectionnisme sert à cela) et sans doute brider quelques libertés publiques. Je pourrais dire à peu de chose près la même chose de l'extrême gauche. D'ailleurs qu'est-ce que l'expérience de la gauche radicale a apporté à la Grèce à part une terrible désillusion ? L'extrémisme, l'inverse de la tempérance, est toujours une impasse, voire un recul.

La tempérance peut en revanche prendree la forme d'une participation au débat public. Facile à dire, répond ma femme. Toi tu t'exprimes à peu près où tu veux. Tu n'as pas besoin d'exutoire. Vrai, mais j'observe aussi une désertion du débat public de la part des jeunes (à part de notables exceptions) qui ont peur de s'exprimer. Quant aux dirigeants d'entreprise, ils sont le plus souvent tétanisés par le débat public (peur des actionnaires ? des clients ? de leur ombre?). Je plaide depuis plusieurs années pour l'organisation de conférences de consensus sur les sujets où une régulation publique est notoirement nécessaire. Cette pratique s'est généralisée dans le corps médical à la fin des années 1970 aux Etats-Unis. Il s'agissait de définir le meilleur protocole de prise en charge pour une pathologie donnée. Au début réservée aux professionnels, elles se sont ouvertes aux patients puis à la population. Il serait formidable que le monde de l'économie ou de l'éducation, là où il nous faut bâtir de nouveaux projets, puisse convoquer de telles conférences pour proposer au gouvernement des mesures précises assorties de calendriers et d'études d'impact. Ce serrait en théorie le rôle de l'université. Les think tanks oeuvrent dans un sens positif mais certains souffrent parfois d'être teintés d'une coloration partisane. Des académies ou des réunions de syndicats professionnels pourraient organiser de tels événements, au niveau national ou, mieux, européen. N'attendons pas de l'Etat qu'il prenne de telles initiatives, lui qui, à un moment où à un autre, les considérera comme une façon de restreindre sa liberté de choix. Il s'agit d'informer l'opinion publique et de placer l'Etat devant ses responsabilités en lui montrant que des évidences existent et qu'elles peuvent être consensuelles. La tempérance construit pierre par pierre. Il y a quelque chose de protestant en elle. »

 

Fin de citation ! Ouf !

 

 

Je te dirais à la suite de cela qu'il faut prendre ses responsabilités en tant que citoyen. Si on se rend compte qu'on s'est trompé dans ses choix, il ne faut pas en avoir honte, mais il ne faut pas avoir peur de virer de bord, quitte à passer pour un « traitre » à son parti, pour sauver la France. On appartient à personne. On est libre. Et on a le droit à l'erreur. Pas au manque de courage. Il faut être honnête vis à vis de soi-même, vis à vis de ce qu'on sait être juste et bon. Emmanuel Macron a eu le courage de quitter son métier de banquier (il serait beaucoup plus riche aujourd'hui en y étant resté) comme François Hollande – le traître n'a t-on pas entendu!

 

Si tu t'inquiètes de l'avenir à travers la numérisation des contenus, l'uberisation, l'internet des objets et le Big Data, enfin le transhumanisme, les quatre mouvements technologiques porteurs de progrès à l'origine de la 5ème mutation de l'humanité par destruction créatrice économique et sociale, ce livre, véritable guide pour bien comprendre le monde et ses enjeux, pour affronter l'avenir sans succomber à la tentation du repli, qui mènerait à une nouvelle « Mémoire du mal » pour reprendre les termes de Todorov, saura te répondre de manière équilibrée et argumentative et calmer tes angoisses, enfin est propre à te faire croire à nouveau en l'avenir, au progrès, au libéralisme, c'est à dire en une société ouverte.

 

Je serais triste que l'homme à qui je dois une ouverture d'esprit en l'an 2000 reste l'homme fermé que tu es devenu, à mon avis, sans peut-être t'en rendre compte. Je fais appel à ton intelligence, à ta raison. Je sais que les temps sont durs, et que tu as été une des victimes du capitalisme dans ses méfaits, qui n'est pas parfait, mais qui a les moyens de devenir de plus en plus humain (n'oublie pas tous les bienfaits qu'il a apporté déjà : ton confort pour ne dire que cela) ; par contre tu t'en mordrais les doigts de te rendre compte qu'en étant sorti du capitalisme, le parti extrémiste triomphant – qu'il soit de droite ou de gauche – aura fait beaucoup plus de victimes. Par une illusion. Une manipulation du peuple par populisme. Et c'est là que tu pourras regretter le passé en disant : « c'était mieux avant », car cela aura été vraiment mieux avant, et tu ne l'aurais pas vu, pas su, il t'aura fallu passer par cette erreur monumentale pour comprendre, à croire que tu n'aurais auparavant rien appris de l'Histoire, non par « devoir de mémoire » non rempli par les institutions ; peut-être, on pourrait le croire, parce que tu ne la pas vécu ce passé, mais non, je crois plutôt que ce sera par ta fermeture (par extension à l'Europe, au monde, qu'illustrent les choix des extrémistes...), et victime de ton ignorance doublé de ton aveuglement..., enfin en bref, concrètement ici, de n'avoir pas lu L'innovation sauvera le monde de Nicolas Bouzou (et peu importe que ce soit de lui plutôt que d'un autre), un livre de 200 pages – quelle tristesse ! Tu te trompes de croire que de voter Jean-Luc Mélenchon est un meilleur choix que de voter pour Marine le Pen ; les extrêmes se rejoignent comme l'Ouroboros qui se mord la queue.

 

Amicalement

Stéphane

 

PS : comme nous sommes unis au moins par l'amour de l'art, je te citerai deux derniers passages de L'Innovation sauvera le monde :

« Sens, valeurs morales, art : ces trois piliers nous donnent la résilience nécessaire pour nous épanouir dans notre « entre-deux-mondes » sans plonger dans l'obscurantisme nationaliste ou religieux. » (p 163)

« Nous avons besoin de beauté. La compréhension du monde, c'est dans l'économie et la philosophie que nous la trouverons, des disciplines indispensables en nos temps troublés, mais qui ne nous apporteront pas la contemplation du beau. »

(p 193).

Dans son chapitre « L'amour, la vertu et l'art sauveront le monde », sa section consacrée à la question de l'art en général, notamment de l'art contemporain et du marché de l'art, de ce qui est art véritable et ce qui n'en est pas est aussi pertinent à mes yeux et devrait t'intéressser au plus haut point.

 

***

Quelques réflexions annexes

 

Je dirais qu'on passe à côté du vrai débat politique dans tous les débats médiatiques actuels, on évite la question centrale qui est tabou, que Macron a seul abordé dans Révolution mais qu'il n'a pas à ma connaissance exposé au public (pourquoi ? Y a t-il une raison valable, peut-être mais je l'ignore. Cette question qui fait le fond des deux livres de Bouzou je la poserai en ces termes : compte tenu que notre monde vit une mutation plus qu'une « crise », comme l'humanité en a vécu plusieurs fois au cours de l'histoire, que choisit-on, que met-on en œuvre collectivement pour que cette transition vers une nouvelle société, une nouvelle civilisation, ait lieu avec le moins de casse possible, compte tenu qu'on en a les moyens, surtout, par identification anticipatrice des problèmes qui se posent, qui est déjà la solution pour moitié ? Une seconde question qui en est son prolongement logique dans cette présidentielle : Quel homme, en tant que futur président, incarne le plus cette mutation et ce nouveau monde qui se profile, ce à quoi on ne peut échapper, en bref, quel président nous fera entrer dans le XXIème siècle ? A cette deuxième question, je réponds : Emmanuel Macron. Son socle philosophique et idéologique est à trouver dans les livres de Nicolas Bouzou. Lisons ce dernier, qui éclaire beaucoup la pensée de Macron, et nous aurons les réponses à la première question, plus que n'y répond Macron, parce que économiste.

 

 *

 

 Peut-on lutter contre l'émergeance et l'installation de l'intelligence artificielle dans nos sociétés, dans le monde ?

Non.

Pourquoi ?

On ne peut lutter contre le progrès technique, l'Histoire de l'humanité la démontré tout le temps, cette révolution de l'intelligence artificielle n'y fera pas exception, elle est en marche et avance à la vitesse grand V. A moins que Eloi Laurent ait raison, qu'il s'agit d'une des « Nouvelles mythologies économiques » de dire cela (voir son livre titre). Mais ce serait bien la première fois de l'humanité qu'on échapperait au progrès technique !

 

Faut-il avoir peur de l'intelligence artificielle ?

Oui et NON.

Pourquoi un petit oui et un grand non ?

Un petit oui, parce que l'intelligence artificielle gagne maintenant à tous les coups contre les champions des échecs ou du go, parce qu'on a identifié l'intelligence artificielle comme potentiellement dangereuse, qui prendrait pouvoir sur nos vies, possession de nous-même un peu comme peu le faire un « pervers narcissique ») ou un psychopathe, parce qu'Elon Musk en parlant d'intelligence artificielle évoque « un démon » (qui exige dès maintenant une régulation), parce qu'il y a un transhumanisme extrême qui parle de « post-humains » des hybrides entre intelligences artificielles et humains qui remplaceront les humains, enfin parce que laisser faire l'intelligence artificielle « rejetterait les peuples vers le fondamentalisme ou le totalitarisme rejetterait les peuples vers le fondamentalisme ou le totalitarisme. »

Un grand non parce qu'identifier un problème, c'est la moitié de la solution. C'esr le cas de Elon Musk, par exemple, qui identifie le problème, mais qui donne déjà une solution : « un « démon » qui exige dès maintenant une régulation. » Il y a en plus ici, qui accroît la résolution du problème, une anticipation, une exigence (qui sous-tend une éthique) et une urgence sans panique, du fait de l'anticipation du problème. De plus, si l'intelligence artificielle est réelle, il permet par l'imagination, la projection, une anticipation-fiction (ou « science-fiction) qui elle est du domaine de la fiction, mais le fait de savoir l'aboutissement extrême qui a été rêvé, et est désiré par un homme ou un groupe humain, est une anticipation réelle de notre part qui va nous donner les moyens de réguler l'intelligence artificielle. De plus, il y a un infini de possibles dans l'imaginaire, il y a beaucoup de possibles réalisables – et beaucoup ne sont pas souhaitables, et il y a une sélection faite pour le salut de l'espèce (principe darwinien étendu au social) qui fait que l'anticipation-fiction plus haut à de forte chance de ne jamais advenir, et heureusement.

Au préalable de l'identification d'un problème, il faut une réflexion, mais plus celle-ci est tôt dans le temps par rapport à un danger potentiel qui s'avérerait dans un futur plus ou moins proche ou lointain, plus les chances de réussite pour résoudre le problème sont nombreuses. La solution à un problème qui se pose par exemple à propos de l'intelligence artificielle. Ce problème a été identifié parallèlement aux bienfaits que ces intelligences pourraient apporter à l'humanité par Nicolas Bouzou dans L'innovation sauvera le monde écrit en 2015 et qui anticipe sur un problème qui pourrait advenir dans cinquante ans si on n'y réfléchit pas tout de suite : « Il ne fait nulle doute que l'intelligence artificielle peut réaliser des merveilles pour guérir des malades, dépolluer les villes, aider les enfants à apprendre... Mais les laisser faire déclencherait un principe physique de Le Chatelier à la puissance 10 qui rejetterait les peuples vers le fondamentalisme ou le totalitarisme et l'innovation n'aurait pas contribué à sauver le monde, au contraire. »

Cela contient un immense espoir auquel il faut se raccrocher, c'est que ces intelligences capables de gagner à tout les coups maintenant contre les plus grands joueurs des échecs ou du go n'ont pas réfléchit à ce sujet, n'ont pas identifié ni les bienfaits, ni les problèmes qu'elles pourraient nous apporter d'ici cinquante ans ou même vingt ans. Elles ne sont pas muées par l'amour, l'amour pour nos enfants qui donne sens à nos vies et qui nous font anticiper ces problèmes pour les résoudre. Cela est aux antipodes du « monde de la technique » de Heidegger qui a placé l'économie mondiale sur pilote automatique, puisque l'amour pose la question des finalités, celle du «pourquoi » qui nous a tant manqué pendant ces années où l'innovation n'a été qu'instrumentale.

Quels principes cela demande t-il pour que les intelligences artificielles ne se retournent pas contre nous ?

Il faut poser des limites. Si on intègre le bien-fondé des limites dans nos vies, si on considère que les limites sont nécessaires et salutaires et n'empêchent pas un champ de possibles infini, une liberté infinie comme dans l'Art, si l'on comprend que la liberté n'est ni l'absence de limites, et que la contrainte peut être au service d'une grande liberté et donc d'une grande créativité, alors les intelligences artificielles auront un pouvoir limité. Il faut voir l'intelligence artificielle comme un miroir de nous-même : nous sommes une somme faite de la totalité de nos pensées (et de notre contrôle sur celles-ci), de nos motivations, intentions, de nos croyances, de nos valeurs, de notre spiritualité, de nos actions passées et leur résultante et les leçons tirées de notre existence etc, en bref, la totalité de notre être. L'intelligence artificielle sera comme un chien aussi, qui est éduqué si on l'éduque, et il y a de plus grande chance que cela soit fait si on a été éduqué nous-même, et si ce n'est pas le cas, si on s'éduque au fil du temps, continuellement, ce qui est valable même pour celui qui part avec une base solide d'éducation. Être conscient que le bien-être est favorable à la bientraitance et que l'amour commence par soi, si l'on se traite bien, on traitera bien notre chien. Il faut aussi envisager l'intelligence artificielle comme dans notre rapport à l'Inconscient : notre inconscient aussi renferme un danger et peut nous faire devenir fous si nous ne dialoguons pas avec lui, lui aussi est « virtuel » (l'intelligence artificielle est un objet née la virtualité), on peut être victime de notre inconscient si on est pas conscient, si on est pas préparé à recevoir des informations de celui-ci, mais il peut être un allié formidable du « conscient ». Ainsi à côté des limites, il faut être conscient, c'est une deuxième condition pour que nous contrôlions et limitions le pouvoir des machines. Etre conscient, c'est même le préalable pour identifier  : on est conscient d'un danger, donc on réfléchit dessus, on l'identifie de manière anticipatrice. Etre conscient va plus loin, elle est cette attitude consistant à revenir régulièrement à notre corps (nos sensations) et à notre respiration (méditation pleine conscience), prendre conscience qu'on ne se réduit pas qu'à notre intelligence (aussi haute soit-elle et que le corps a une sagesse et ne ment pas. Prendre conscience que nous sommes des êtres uniques qui respirons, qui pouvont profiter de tous ses sens dont la nature nous a doté, que nous avons un cœur qui non seulement bat mais ressent, de l'amour par exemple, que nous avons une histoire collective, familiale, individuelle, que cela crée du lien, et que tout cela manquera aux intelligences artificielles qui ne doivent être vu que comme des outils perfectionnées et à notre image, comme paraît-il nous sommes à l'image et à la ressemblance de Dieu, et qui est indéniable si on entend ce qu'est Dieu, et qui n'est pas dans tous les cas un être supérieur et source de toute chose, et qui plus est barbu... Dieu se situerait à la confluence de la Nature (définition de Dieu par Spinoza) et de l'Inconscient dans sa plus haute instance, d'un inconscient envisagé à travers ses trois piliers ascendants : Freud, Lacan, Jung, ce dernier ayant justement replacé la spiritualité au cœur de l'Homme, et formulé le rapport du petit moi au Soi (la plus haute instance qui dépasse le petit moi, et sa volonté propre et son ego et qui donc peut être assimilé à Dieu : une volonté supérieure qui prend forme, se concrétise par l'individuation. Pour en revenir à notre sujet, on ne peut être aliéné par l'intelligence artificielle si on est conscient.

Enfin, la technologie intraséquement est neutre, on peut en faire un bon usage comme un mauvais usage. Ce qu'on a appris avec le XXème siècle, avec le nuclaire, est aussi vrai d'un couteau, par exemple, qui existe depuis la nuit des temps, depuis que l'homme a taillé des bifaces. Mais c'est maintenant qu'il faut agir vis à vis de l'intelligence artificielle, c'est maintenant que ça se joue par notre anticipation et notre prévention pour qu'elle ne devienne pas une technologie non neutre, pour que l'intelligence artificielle ne prenne pas le dessus, son autonomie, et ne nous domine pas comme un animal plus intelligent que nous.

Il n'y aura pas de substitution de l'homme par l'intelligence artificielle. Il faut envisager celle-ci comme complémentaire, une « aide à la personne ». On a beaucoup eu peur que le livre numérique remplace le livre traditionnel. En fait la modernité n'a cessé de côtoyer la tradition, et tant qu'il y aura des hommes qui préféreront le contact intime avec le livre traditionnel, pouvant l'écorner pour marquer une page par exemple, tandis qu'il lit en marchant, pour sentir l'odeur du papier et de l'encre, etc. le livre existera, perdurera.

Par contre, il y a des métiers qui vont disparaître comme chirurgien qui sera remplacé par « assistant chirurgien ». Pourquoi ? Parce que les robots sont plus efficaces pour opérer, mais qu'il y aura toujours un pilotage, un contrôle des opérations part l'homme.

 

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Passion Macron (réflexions sur le météore politique)
  • Mise en lumière et perspective de deux lumières : Emmanuel Macron et sa femme Brigitte. Autiste Asperger, je tente avec ma propre perception de montrer pourquoi Emmanuel Macron est l'homme dont la France, l'Europe et le monde à besoin.
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